Une vie de Con
" Tu la voyais pas comme ça, ta vie…
…Moi aussi j'en ai rêvé des rêves, tant pis,
Tu la voyais grande et c'est une toute petite vie"Alain Souchon. Le Bagad de Lann Bihoué
Nos vies nous méritent-elles ?
Passés nos vingt ans, cette période de la vie si régressive qu'on en viendrait à croire que tout est possible puisque l'aventure est à portée de main, que deviennent nos rêves ?
Nous ne sommes pas qui nous rêvions. Ou trop rarement.
Nous sommes qui nous sommes. C'est tout. A l'âge adulte, on prend deux coups au moral. Le premier lorsque l'on s'aperçoit que nos parents ne sont pas aussi parfaits qu'on voulait le croire. Cette douche-là est froide mais elle réveille et même mieux : elle libère. L'horizon n'est plus indépassable, on va pouvoir montrer de quoi l'on est capable.
Or, il ne faut pas beaucoup d'années pour que surgisse comme un traître revers, le deuxième coup : le jour où l'on comprend que l'on n'est pas soi-même à la hauteur de ses propres rêves.
Et alors ? J'en fais quoi, moi, de ma vie de con ?
Et mes gosses, je leur dis quoi ? Je leur laisse l'amer surprise ? Sur l'air de la Mère Michel ?
C'est l'amer Michel qui a perdu son rêve…
Et si on s'était trompé de rêve, en fait ?
Oui, c'est ça ! Ca n'est pas moi qui ne suis pas à la hauteur, c'est mon rêve qui utopise plus haut que son cul !
Moi, vedette du show-business ? Et pour quoi faire ? Du stress, des unes de magazines, des absences et des infidélités familiales, des applaudissements éphémères, du bonheur partagé, des dollars ?
Quel boulet, ce rêve ! C'est mon rocher de Sisyphe. Et je pousse mon caillou sans jamais voir le début du commencement du sommet de la montagne. Je pousse ma pierre sans amasser la moindre mousse, planté dans les regrets, accroché à ma terre natale. Cette terre qui me dit : " Regarde-moi, tu me ressembles. Je suis tes racines, ton sel, ta sève. Quitte-moi et tu te quitteras. Tu es condamné à me revenir ".
D'accord, revenir je veux bien, si j'ai droit à un voyage. Un trajet, un seul, au pays de mes ambitions. Un aller avec retour immédiat, une visite éclair, juste pour goûter la saveur du fruit défendu. Défendu par ma culture, par ma paresse et par ma peur. Juste voir une seule fois l'ombre de mon rêve, juste apercevoir la mer et rentrer à la maison. Non ?
Non ?
Alors fallait pas m'en parler de ce foutu rêve !
Fallait me dire tout de suite ce qui m'attendait. La découverte des paillettes dans les années d'enfance. Les peut-être qu'on se fabrique à l'adolescence, les plans sur la comète, les mensonges qu'on se fait, les excuses qu'on se donne aussi pour expliquer le temps perdu. Il fallait me le dire avant si je me plantais. Il fallait me dire que je me fabriquais des regrets. J'aurais fait gaffe.
Faut que je dise à mes gosses de faire gaffe…
" - Les enfants ?
- Oui, Papa-crotte-crotte !
- Soyez polis !
- Oui, Papa chéri.
- J'ai un truc important à vous dire sur les grands.
- Grands comment ? Grands comme toi ?
- Oui.
- Grand comme le ciel, alors !
- Oui, c'est ça. Grand comme le ciel… "
Et con comme la lune.